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Dossier traité par: Nadia Privet

Pernon Cherbaz

Sorcière de Pully

Condamnée au bûcher le 18 aout 1638

à Vidy.

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En 1536, la réforme annonce ouvertement la négation de toute divinité féminine,

la Vierge à l'enfant ainsi que la reine Saba sont décapitées

en un haut lieu saint, la cathédrale de Lausanne.

Le Canton de Vaud est alors sous l'emprise d'une chasse aux sorcières qui dura du XVe au XVIIe siècle.

Durant près de trois siècles, 5000 personnes ont été mises en accusation et 3500 exécutées principalement par le feu, dont environ 70% de femmes. 

« Notre localité subit en 1638 une grave épidémie de sorcellerie. Deux femmes furent alors arrêtées et mises à la torture.

Pernon Cherbaz confessa avoir renié Dieu, pris pour maître le Diable et fait périr en leur jetant des sorts des animaux et des Humains.

Condamnée à cause de ces enchantements elle fût brûlée au début d’aout au bord de la Chambronne.

Ses biens furent confisqués et ses cendres jetées au vent … »

C’est en ces termes rudimentaires que l’histoire sombre de deux femmes nous ai parvenue.

Les grands moments de Pully 1978 - de Samuel Dubuis et André Schmutz - Edition de la Noble Abbaye des Bourgeois -  p.95.

Samuel Dubuis et André Schmutz nous informent de l’arrestation de deux sorcières arrêtées et mises à la torture, nul ne connaît le nom ou le sort de la deuxième mais l’histoire de Pernon Cherbaz a traversé presque 4 siècles d’histoires, cette page lui est dédiée pour que son nom ne soit pas oublié, ainsi que sa dignité.

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Pully entre le XV et le XVII siècle

 

Pully compte 753 habitants en 1629, la peste qui sévissait et ravageait le monde entier, provoqua entre 1629 -1630 et 1638 - 1639 pas moins de 332 morts, voici un village réduit de presque moitié avec 421 Habitants.

En nous référant à une publication du conteur vaudois datée du 24 avril 1915, nous pouvons commencer à dépeindre le tableau de ce qu’était Pully et quels habitants l’occupaient.

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Fig.4

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Fig.5

1582 – 1596

Nom des principaux bourgeois et habitants en ces années-là :

Alix, Borjoz (Borgeaud), Chappuis, Chavan, Coderay, Corsat, Matthey, Milliquet, Moynoz (Moënnoz), Penairoz ou Pevairod, Pensyrod (Penseyres) alias D’Illens, Perret, Pignard, Reymondin, Tondu, Trépey, Verrey.

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Fig.6

Samuel Dubuis en 1995 dans Silhouettes pulliéranes - Edition Cabédita, retrace le récit le plus précis qui soit en dédiant à l'histoire de Pernon Cherbaz, un chapitre entier dont voici le texte intégral: p. 23-36.

Pernon Cherbaz.

 

  Peter Kamber s’est intéressé à de nombreux procès conduits chez nous au XVIIe et au XVIIIe siècle. Cet historien estime qu’au cours de la période de chasse aux sorcières qui sévit alors en Suisse romande au moins 5000 suspects sont passés de vie à trépas. Le Pays de Vaud, eu égard à la modestie de sa population, détient l’un des records européens en la matière. On y brûlait pendant les « bonnes années » jusqu’à 80 personnes. Pully ne fut pas épargnée par ce déchainement de lugubres sanctions. Des manuscrits se rapportant à un cas particulièrement pénible, conservés aux Archives cantonales vaudoises, permettent d’évoquer cette tragédie qui comme tout drame qui se respecte s’est déroulée en cinq actes.

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Fig. 7

Premier acte

 

  Le village compte moins de 500 âmes. Entre les forêts du nord passablement malmenées et le lac qui, au sud, renouvelle continuellement les bleus, les gris, les verts ou de sinueuses moirures sur sa surface changeante, des champs, des vergers, surtout beaucoup de vignes l’enserrent. Ses maisons ont été bâties au petit bonheur. Deux ou trois rangées contiguës d’édifices un peu plus relevés, derrière lesquels se cultivent quelques potagers, mettent ça et là un semblant d’ordre. Ailleurs les remises, les étables, les granges, les logements d’habitation se chevauchent. Des sortes de girouettes surmontées de petits drapeaux signalent parfois la frontière qui sépare deux fiefs.

Des ruelles serpentent. Le Merdasson pousse lentement son courant malodorant en direction de Lutry.

La localité pourrait être comparée à une manière d’élipse organisée autour de deux foyers. Le premier de ces centres se situe à l’est. C’est le Pully officiel. On y découvre l’église, la cure, un noble bâtiment construit voilà assez longtemps dont les entrailles cachent la cave de Leurs Excellences. Un endroit entièrement dégagé le longe, où les soldats s’entraînent à parader. L’autre lieu de relative importance où les villageois peuvent se retrouver présente aux passants un caractère plus familier. C’est, à l’ouest, la place de la grande fontaine où l’on vient puiser l’eau indispensable aux soins des ménages. On y lave publiquement son linge. C’est là que les mégères aiment se rassembler pour échanger leurs cancans. Le bétail défile, le soir, s’abreuver à son auge.

  Les Pulliérans travaillent à cette époque surtout en plein air comme vignerons, paysans ou maraîchers. Ces Habitants sont plutôt frustes. Presque tous analphabètes. L’école, peu fréquentée, est exclusivement destinée aux garçons de bourgeois. On s’interpelle en patois. Une senteur âcre s’exhale des tas de fumier. Des écuries sortent des grincements d’une chaîne ou des bruits de raclement de sabots. Un coq picore. Des chiens passent. Lorsque l’heures des repas approche on voit monter l’un après l’autre vers le ciel les panaches d’une quinzaine de minces colonnes de fumée.

  Un couple vit ici dans une relative tranquillité. Lui s’appelle Pierre Chappuis. Elle portait avant son mariage le prénom et le nom de Pernon Matthey. On l’affubla rapidement du sobriquet déjà attaché à son mari. Elle est maintenant devenue pour tous la Pernon Cherbaz.

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Fig. 8

Deuxième acte

 

  Les Pulliérans subirent au début du XVIIe siècle de multiple contretemps.

Un terrain se mit à glisser du côté de Belmont, engloutissant dans le sol une maison à la Conversion. Une comète traversa le ciel, jetant avec sa grande queue la panique dans une population ignorant l’astronomie. On assista par la suite à d’autres phénomènes plus ou moins prodigieux : la terre trembla à deux reprises ; le ciel demeura éclairé toute une nuit de lueurs étranges ; des tornades d’eau puis un été torride mirent à mal les cultures ; le moulin des Ravessoud prit feu au bord de la Paudèze. Un fléau se montra particulièrement catastrophique : une épidémie de peste décima une première fois la population en 1629 et 1630, reprit en 1638 pour exterminer au total 332 malades.

  Il y avait vraiment là de quoi ébranler plus d’un. La croyance à la magie blanche était très répandue. On se montrait quasi unanime à estimer que certaines personnes pouvaient être capable d’utiliser des recettes occultes pour se porter au secours des gens. Mais qui dit magie blanche peut aussi penser magie noire. Et si l’origine des calamités qui nous accablent, se demandaient certains, résidait dans l’activité d’un être méchant qui aurait décidé de pactiser avec le Diable dans l’intention de nous nuire ?

  Lorsqu’on a peur on cherche tout naturellement – c’est bien connu – à trouver un bouc émissaire. L’angoisse diffuse est terrible. Elle devient moins redoutable quand on parvient à lui fixer une cible précise. Une épouvante cernée devient plus supportable.

  Une rumeur apparut dès lors à Pully. Elle se réduisit d’abord à ne manifester que dans quelques chuchotements. Mais des méfiances la nourrirent. Les jalousies, les rancœurs, des haines la fortifièrent. Elle s’enfla toujours davantage pour devenir bientôt une vague immense qui finit par submerger la localité. Cette rumeur dénonçait : les maux dont nous souffrons proviennent de la malfaisance qu’exerce parmi nous une sorcière et cette sorcière c’est Pernon Cherbaz.

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Fig. 9

Troisième acte

 

  Le pasteur François Dind, qui exerçait son ministère à Pully depuis une vingtaine d’années et continuera à diriger longtemps cette paroisse d’une poignée de fer, prit d’un premier temps la défense de la malheureuse. Mais sa bonne volonté se heurta à des résistances. Les membres de son Consistoire (une juridiction civile locale désignée par le bailli, chargée de surveiller les mœurs, dont le ministre faisait partie d’office) lorsqu’ils eurent à discuter de ce cas dans leur séance du 12 juillet 1638 se montrèrent intransigeants. Les lois consistoriales condamnaient celles qui se livrent aux sortilèges, aux charmes et aux enchantements. Un document lausannois rédigé vingt-cinq ans auparavant avait précisé que « le sorcier ou empoisonneur, la sorcière ou empoisonneuse » devaient être condamnés « pour exemple à toutes personnes selon la loy de Dieu ».

  Le pasteur dut céder. Pernon Cherbaz fut dénoncée aux représentants de Leurs Excellences. On enferma la misérable dans un cachot du château Saint-Maire pour la livrer, le 17 juillet, « à Mr le Juge et Commis pour l’examen des criminels ».

  Lors d’un premier interrogatoire notre Pulliérane s’efforça de tout nier. Mais on savait déjà à cette époque comment obliger les prévenus récalcitrants à parler. On la soumit les 2, 3 et 4 août à la torture de l’estrapade. Ce supplice avait été fort ingénieusement imaginé pour donner aux tortionnaires qui le souhaitaient l’occasion d’infliger à ceux dont ils voulaient soutirer des aveux un maximum de douleur sans risquer pour autant de les tuer.

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Fig. 10

Quatrième acte

 

  La cour criminelle de Nobles et Bourgeois de la rue de Bourg était entièrement composée de Vaudois. Le juge Gaudard la présidait. Le banderet Frinçon siégeait à sa droite. Pernon Cherbaz reconnut tout de suite sur sa gauche Monseigneur Réal dont le visage lui était familier car Monseigneur Réal était le sautier, c’est-à-dire un magistrat chargé des menus cas de justice, de Pully.

D’autres personnalités accompagnaient ce trio. Comme celles-ci ne restèrent pas constamment les mêmes durant son procès, l’accusée eut l’occasion de voir se succéder un de Saussure, un Trolliet, un Eschaud, un Guerry, un Neyroud, un Richard, un Escoffey. Un greffier avait scrupuleusement consigné dans un registre toutes ses déclarations antérieures.

  Le Diable lui était apparu pour la première fois, il y a une douzaine d’années, alors qu’elle descendait des granges de Moillebourquin sur le Mont-de-Pully vers le rio de Mauxbosson. Il surgit soudain de derrière un buisson et déclara s’appeler Gabriel. Se présentant sous les apparences d’un fort bel homme, il invita Pernon à se donner à lui. Notre Pulliérane refusa, rétorquant qu’elle craignait Dieu et n’avait pas l’habitude de se livrer au premier venu, puis s’enfuit tout épouvantée vers sa maison.

  Mais Satan ne lâche pas facilement ses proies. Il aborda de nouveau celle sur laquelle il avait jeté son dévolu trois jours plus tard près de la girouette de Montmorrens. Il lui parla durement. Il lui rappela une récente scène de ménage au cours de laquelle celle avec qui il conversait s’était permise de frapper son mari. Il amena cette pauvre femme après des velléités de résistance à s’accoupler avec lui pour finalement conclure un pacte ensemble. Quand l’infernal compagnon ordonna à sa victime de sceller cet engagement en lui baisant le fesses, cette dernière s’y refusa, se contentant de lui embrasser les genoux et la face. Le Diable, l’étreignant très fort, lui donna alors un violent coup de griffe au coude droit qui resta longtemps brûlant. Lorsque Pernon Cherbaz dut comparaître devant le Tribunal, l’endroit touché en conservait la marque : c’était une tache devenue insensible aux piqûres d’une aiguille, d’où le sang ne jaillissait plus.

  Le faux Gabriel invita par la suite Pernon Cherbaz à fréquenter ses sabbats. Il est intéressant de relever à ce propos que notre convertie perverse n’utilisa en fait jamais, au cours des interrogatoires qu’elle eut à subir devant la Cour criminelle des Nobles et Bourgeois de la rue de Bourg, ce vocable lourd d’un vieux relent d’antijudaïsme. Elle appela toujours ses sulfureux rendez-vous « la chète », autrement dit « la secte », la contre-Eglise rassemblant ceux qui, ayant abandonné la piété orthodoxe, se regroupent à minuit pour se livrer à des sortes de cultes inversés.

. On pouvait se réunir « auprès d’une fontanette », « près de la grange de Corsat », « en Rennier », encore ailleurs. Dans la compagnie occasionnelle de Line Martin, de Michel Corsaz, de Jean Cherbaz, d’Anthoina Pignard ou de la femme au Germain on dansait, festoyait et se livrait à maints débordements diversement obscènes. Les motifs de satisfaction ne devaient pas toutefois faire illusion. Satan est un menteur, On croit qu’il nous distribue la nuit toutes sortes de richesses, les belles pièces de monnaie qu’on s’imaginait avoir reçues se révèlent ne plus être au matin que vil plomb ou feuilles mortes.

  Le Diable est surtout un destructeur. Il procura à plusieurs reprises à Pernon Cherbaz une boîte contenant une mystérieuse graisse sentant mauvais de couleur verdâtre. Pour en étudier les effets, Pernon Cherbaz en donna d’abord à manger à une poule qui tomba morte « au milieu des miettes de pain ». Pernon Cherbaz réitéra l’expérience en mélangeant, cette fois, un peu de l’inquiétant onguent à la pâtée de l’un de ses chats ; le minet, après avoir goûté, courut se cacher dans la cour de Germaine Verrey où il devint tout raide ; les enfants de la voisine renvoyèrent son cadavre par-dessus la clôture.

  Pernon Cherbaz se sentit envahie par un vertige effroyable : elle tenait désormais la vie et la mort des autres entre ses mains ; ses ennemis allaient s’en apercevoir !

  Elle commença par s’attaquer à un veau, à un dindon. Elle mit de sa graisse dans le bouillon que la fille de Jaquemay Cherbaz était venue lui demander. Jacques Moennoz tomba malade après, estima-t-elle, qu’elle lui eut posé au haut des cuisses ses mains enduites du poison. Pour se venger de la femme de Jean Reymondin qui laissait un pourceau détériorer sa vigne en s’y promenant sans entrave, elle lui toucha le bras du bout de l’un de ses doigt trempé dans la satanée mixture ; ce bras se mit à enfler, la villageoise souffrit toujours davantage et mourut deux ans plus tard. Pernon Cherbaz prétendait dans son délire avoir fait aussi périr de la peste un des fils d’Abraham Duport. Elle alla jusqu’à s’accuser d’avoir elle-même causé le décès de l’un de ses propres enfants.

  C’en était assez. Sur ordre de ses supérieurs le greffier mentionné tout à l’heure rédigea cet arrêt : 

« Pernon Matthé femme de Pierre Chappuis alias Cherbaz de Pully, detenue prisonniere pour ses malefices et sorcellerie, ayant confessé avoir renié Dieu nostre Createur et prins le diable pour son maistre, et avoir faict mourir gens et bestes. Elle a esté jugée et sentencée par les Nobles et Bourgeois de la ruè de Bourg, à estre mise entre les mains de l’executeur de la haulte Justice et conduicte selon l’ordre au lieu appellé la Chamberonnaz, et illecq bruslée vifve, et ces cendres jetées au vent pour monstrer exemple à semblables malfaicteurs, ses biens confisquéz au seigneur de jurisdictions riere lesquels se trouveront gisants, sauf réservé le droict d’aultruy et legittime d’enfant, sauf aussi la grace de Leurs Excellences si elle intervient. »

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Fig. 11

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Cinquième acte

 

  Cette dernière clause est de pure forme. Avant que Leurs Excellences aient eu le temps de réagir on emmène, le 18 août, Pernon Cherbaz au lieu des exécutions capitales situé à Vidy.

  L’endroit possède une enceinte circulaire d’environ vingt-cinq mètres de diamètre. Quand la condamnée s’approche des deux piliers qui en encadrent l’accès, elle entend derrière le bourdonnement détestable qu’une peine de ceux qu’une peine infligée à quelqu’un attirera toujours. A travers le dégagement de cette entrée elle aperçoit, juchée à distance du sol, la roue où l’on martyrise certains criminels en leur brisant successivement les bras, les avants bras, les jambes et la poitrine. Plus à gauche et parallèles au lac, voici les trois fûts surmontés de poutres transversales qui composent le gibet où quelqu’un a peut-être été récemment pendu. Mais Pernon Cherbaz mérite un châtiment plus sévère. Un tronc grossier surmonte un sinistre entassement de fagots. Une sorcière pour mourir purifiée doit traverser l’épreuve du feu.

  Pernon Cherbaz franchit le seuil fatal. La foule s’est tue. Un officiel lit à voix haute la liste de ses méfaits suivie de la sentence de la Cour criminelle. On remet l’infortunée à l’exécuteur des hautes œuvres. Ce bourreau porte un pantalon bouffant, ses bras sont couleur de sang. Il ligote solidement Pernon au poteau d’infamie et allume l’amas de bois.

  Quelques branches se mettent à pétiller. Des lambeaux de vapeur blanche s’élèvent d’abord. L’ensemble subitement s’embrase. De longues flammes jaunes, rouges et bleues viennent lécher les pieds, les cuisses, le ventre de la condamnée. Un peu partout sur son corps l’épiderme se soulève, des pustules gonfles, d’affreuses lésions se creusent. La température de la suppliciée devient intolérable. Elle s’évanouit. Le stress ou un infarctus lui donnera bientôt le coup de grâce.

  On alimentera encore longtemps le bûcher jusqu’à ce que celle qui fut l’épouse de Pierre Chappuis soit réduite à n’être qu’un petit tas de poudre grise. Les moindres restes de ses ossements seront soigneusement cassés menu. Il importe que de celle qui se rendit un jour coupable de pactiser avec le Diable il ne reste plus rien.

 

  Le rappel de ces événements laisse songeur. Qu’est-ce qui a bien pu conduire à un moment donné presque toutes les couches de la population vaudoise à communier ainsi dans une idéologie, une éthique collective et l’application de sanctions aussi archaïques et totalitaires ?

  Il serait trop simple, comme on l’a fait quelques fois, de prétendre expliquer les menées des sorcières de notre XVIIe siècle par les seules divagations de pauvres hystériques que l’on contenterait aujourd’hui d’accueillir dans un hôpital pour les soigner. Il est déjà plus intéressant de relever que, lorsqu’une nouvelle culture citadine tendit à se substituer à notre vieille civilisation rurale traditionnelle, celle-ci réagit en réaffirmant d’anciennes pratiques avec d’autant plus d’acharnement qu’elle les entait en perte de vitesse. Pernon Cherbaz était fille assez misérable ; on sait que ces laisser pour compte recourent souvent à des particularités qui, les opposant à l’ordre généralement admis et attirant par conséquent l’attention sur eux, leur permettent de prendre de la sorte une revanche sur leur pauvreté sociale. La férule de la Réforme, une centaine d’années auparavant, avait dépossédé notre peuple de ses fêtes de jadis qui lui fournissaient prétexte à de grands débordements ; peut-être sommes-nous devant la manifestation de certains des excès de ce que Freud nous apprendra à appeler plus tard le retour du refoulé.

  Mais ces interprétations sont uniquement profanes.

Elles négligent la dimension métaphysique de la vie. Et si le cas de Pernon Cherbaz nous invitait, hors de toute imagerie et droits de contrainte dépassés, à reprendre au sérieux la gravité des méfaits que peut provoquer l’action décréatrice de Satan dans le monde ?

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Fig. 12

Texte de Samuel Dubuis 1925-2003.

 

Samuel Dubuis est né à Lausanne le 16 juillet 1925. Originaire de Rossinière, il est fils et petit-fils de pasteurs : son père, Albert Dubuis, a écrit un livre remarqué (Le voile déchiré) et son grand-père maternel n'est autre qu'Aloys Fornerod. Il accomplit sa scolarité sur les bords du Léman, obtenant un baccalauréat au gymnase cantonal et une licence en théologie à l'Université de Lausanne en 1949. Il appartient à la Zofingue, société d'étudiants : il y est président de la troupe théâtrale. Il étudie ensuite une année à Paris avant d'exercer le ministère pastoral à l'Oratoire du Louvre. De retour en Suisse, il reçoit, le 27 octobre 1953, la consécration au ministère pastoral dans la Cathédrale de Lausanne. En 1954, il rejoint la paroisse de Vevey et se marie avec Bluette Henchoz, dont il a deux enfants. En 1962, il devient aumônier des étudiants à l'Université de Lausanne, puis, dès 1969, pasteur dans la paroisse de Pully. Il y reste vingt ans, jusqu'à sa retraite. Il développe un grand attachement pour sa commune, dont il reçoit la bourgeoisie d'honneur le 30 septembre 1992, et y consacre plusieurs monographies, avec l'aide de l'archiviste des lieux, André Schmutz. C'est dans une démarche historique qu'il se consacre, à titre personnel, à l'établissement de dossiers biographiques des pasteurs vaudois. Il décède le 21 septembre 2003.
 

Source datée du 6 mai 2019.

http://www.davel.vd.ch/detail.aspx?ID=196235

Sources et références :

Fig. 1 ;2 ;3. - La Cathédrale de Lausanne, 1929, Département des travaux publics du Canton de Vaud, photographies de Gaston de Jongh à                              Lausanne. Roi Salomon p.24. Reine de Saba p.25. Vierge à l’enfant p.5.

Fig. 4 ;5 ;6. – Le conteur Vaudois, 24 avril 1915, tiré de : https://www.e-periodica.ch/cntmng?pid=cov-001:1915:53::287,

                     consulté le 04.05.2019.

Fig. 7. -         Village de Pully, Louis Joyeux, Musée de Pully.

Fig. 8 ;9 ;10 ;12. – Cartes du Tarot Egyptien, Edition Dusserre. Paris. No de cartes : 15 ;19 ;14 ;16 ;17 ;18 ;8.

Fig. 11 -          Photo de Victor Henri Bourgeois, Archives cantonales vaudoises, Archives des monuments historiques (A91/10, numéro A 5022).

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